La ruralité regroupe l’ensemble des représentations collectives, les formes identitaires et le fonctionnement des espaces ruraux. Comment alors définir le mot « rural » ? Actuellement, les chercheurs refusent de se limiter à une définition s’appuyant sur le fait qu’est rural tout ce qui n’est pas urbain. En effet, les évolutions économiques, sociales et professionnelles récentes tendent à non pas distinguer la ville de la campagne, mais plutôt à rapprocher les deux mondes, ne serait-ce que par rapport aux phénomènes de périurbanisation et de rurbanisation. Le rural se réfère aux campagnes dans leur complexité, sans les réduire aux activités agricoles. Un espace rural ne se limite pas uniquement qu’aux particularités paysagères et biophysiques, aux droits d’usage, aux modes et techniques de production spécifiques. Il doit aussi prendre en compte les sentiments identitaires, d’appropriation et de défense des habitants vivant dans ce type d’espace, ainsi que le niveau d’intégration sociale et économique.
Pendant longtemps, le concept de ruralité désignait le caractère de ce qui est rural, les spécificités des espaces ruraux, un ensemble de valeurs, de cultures propres au milieu rural. A l’opposé de l’urbanité qui renvoyait à la civilité, au raffiné et à la centralité, la ruralité était associée à tout ce qui était rustique, à un manque de savoir-vivre et à la périphéricité. A partir des années 1970 durant lesquelles apparaissent des mouvements écologistes, la représentation de la ruralité évolua. Elle devint un objectif, une référence, en termes de liberté, de santé, de cadre de vie, d’épanouissement. En France, a été créé en 2004 le Ministère de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche et de la ruralité. Le ruralisme (la tendance à idéaliser la vie à la campagne) des années 1980 y a sûrement fortement contribué. A cette époque, pour faire face à l’anonymat urbain où les gens se parlaient à peine, on redécouvrit le rural et prôna le retour de la sociabilité de proximité et du local. Dans les années 1990, le rural doit être protégé et valorisé. En Martinique, la flute des mornes d’Eugène Mona est entendue dans certains médias qui la « boudaient » autrefois. Le tinin lanmori et les trempages sont devenus « branchés ». La ruralité n’est plus alors considérée comme le contraire de l’urbanité, mais comme un rapport à l’espace qui détermine des sentiments d’appartenance, des choix de vie et imaginaires. L’espace géographique (la campagne et ses paysages) se distingue de l’espace social (usagers, habitants et acteurs ruraux) et de l’espace symbolique (valeurs, ruralité). Depuis les années 2000, on réalise que les campagnes sont polluées par les pesticides et que la nourriture provenant du milieu rural n’est pas toujours aussi saine que le montrent les publicités. En Martinique, derrière l’utilisation massive de pesticides et de la chlordécone durant plusieurs décennies, se cache un grave scandale sanitaire (cas de cancer, maladies neurologiques…). La population demande alors des comptes, comme lors du rassemblement du 14 mars 2018 à la Maison des Syndicats. Telles les villes, les campagnes sont aussi très polluées. C’est la désillusion, le ruralisme en prend un coup.
L’opposition ville/campagne résiste dans l’espace imaginaire dans les pays développés (produits du terroir, campagne oxygénée et paisibles, qualité et beau cadre de vie, sociabilité), au point d’observer une ruralisation ponctuelle de la ville. On assiste donc à une homogénéisation des espaces (et non plus à une opposition). La ville est créatrice de campagnes et la campagne est créatrice de villes. L’espace périurbain apparaît comme un espace tiers, un lieu de transition et d’interface, urbain dans son fonctionnement (modes de vie, emplois) et rural par rapport à ses paysages façonnés par des usages agricoles, et en fonction des perceptions de ses habitants qui prétendent vivre à la campagne. Parallèlement, les bourgs, petites et moyennes villes structurent les espaces ruraux et offrent des emplois et services. On assiste donc à une vraie diversification géographique.
Extraits de « Ville et campagne : Opposition ou imbrication ? » (la Mouïna Martinique n°17 : La Martinique rurale
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