La ville de Basse-Pointe, le CAUE Martinique, la DAC et la DEAL accueille depuis mai et jusqu’à la fin septembre 2024, deux architectes, Valentine Bescond et Adèle Courcelle. Elles ont installé leur bureau à Basse-Pointe afin d’y mener une permanence architecturale [1]. Celle-ci a pour but d’interroger collectivement la manière d’habiter la commune face aux nombreux enjeux rencontrés et son devenir face aux risques. De nombreuses actions originales telles que la réalisation d’une fresque murale, le partage de photographies de Basse-Pointe, des causeries et ateliers, projection ciné, et jeux de piste sont proposés aux habitants dans ce cadre.
Ainsi, le 20 aout dernier, le public inscrit était invité à participer au jeu de piste géant et collectif « JOUONS DANS LE BOURG ». Il s’agissait tout en explorant les rues du Fond Bourg de la commune, de récolter des indices pour imaginer et faire des choix de rénovation un habitat type et par conséquent, une ville résiliente.
Mise en situation
20 août 2050.
Architecte fraîchement diplômé, vous êtes de retour au pays. Vous décidez de rénover la petite case qui appartenait à votre grand-mère et qui n’a pas été habitée depuis des années. Il y a beaucoup de travaux à faire, ce qui vous laisse une grande liberté d’imagination ! Mais cette année 2050 est troublée par une crise énergétique majeure. Les prix du pétrole ont flambé, et cela fait plusieurs semaines qu’aucun navire d’approvisionnement n’a atteint la Martinique. Les rares stocks de pétrole qui arrivent sont réservés à l’armée et aux hôpitaux. Les énergies renouvelables, bien qu’elles se soient beaucoup développées ces dernières années, ne suffisent pas et il y a des coupures d’électricité constamment. Toutes l’activité économique et les habitudes sont mises à mal. De plus, le changement climatique renforce les pics de chaleur et les évènements climatiques intenses : fortes pluies, tempêtes en cette saison cyclonique. Les maisons ne sont pas toujours adaptées et il fait très chaud, d’autant que les climatisations ne fonctionnent plus que par intermittence, quand il y a du courant. Le niveau de la mer a monté et le quartier Fond-Bourg est de plus en plus sujet à la houle qui dépasse l’enrochement. Malgré ces conditions nouvelles et difficiles, acceptez-vous de relever le défi de la rénovation de cette maison ?
Votre mission est de faire des choix pour rénover cette maison et de répondre à tous les besoins du quotidien.
Des cartes pédagogiques pour une rénovation réussie
Mené de bout en bout par un architecte-animateur, le jeu de piste constitué de 7 relais permet aux architectes-habitants, tout en découvrant une zone urbaine, de choisir pour chacune des 8 thématiques, une seule carte parmi les cartes illustrées et explicatives, celle qui représente la meilleure option dans le cadre de la future rénovation. Les cartes choisies permettent à chacun d’esquisser les grandes lignes et intentions du projet de rénovation, avant de réaliser le croquis de leur projet à partir d’une planche de coupe transversale d’une maison type et des cartes choisies.
Après la présentation, un débat avec l’architecte-animateur du jeu se tient sur la viabilité et la durabilité des projets créés.
Les 8 thématiques
- AVOIR DE L’ENERGIE
Les ressources fossiles sont de plus en plus rares. Le coût de l’électricité a augmenté et les coupures de courant sont de plus en plus fréquentes. Les modes de vie sont chamboulés (pas de climatisation, pas de produits surgelés, retour de la radio à piles, l’éclairage public se fait désormais à l’huile de coco et le métier d’allumeur de réverbère refait son apparition).
- S’ABRITER
Du côté des matériaux de construction, la situation est difficile. Les stocks de ciment s’amenuisent. Il en est de même pour tous les produits de construction importés : bois, menuiseries, mobilier, tuyauterie… La poterie des Trois-Ilets a dû arrêter son activité des briques en terre cuite car celle-ci était très gourmande en énergie. Certains habitants se tournent aussi vers le bambou.
- SE DEPLACER
Les ressources en pétrole ont diminué de moitié par rapport à 2024. Le prix du carburant n’a jamais été aussi élevé et les pénuries se répètent. Les gens n’ont plus les moyens de prendre leur véhicule individuel comme avant. Le stop est devenu courant et les applications de co-voiturage se développent.
- SE PROTEGER DES RISQUES
Le changement climatique rend les phénomènes climatiques plus intenses. En 2050, il est fréquent de voir des ouragans de catégorie 3, 4 ou 5 chaque année. Comme le niveau de la mer s’élève, l’eau pénètre toujours plus loin dans les terres. Les maisons du front de mer sont abandonnées progressivement. A l’intérieur des terres, les pluies sont aussi plus intenses et suscitent des glissements de terrain.
- AVOIR UN LOGEMENT ADAPTE AU CLIMAT
Le changement climatique rend le climat de la Martinique plus chaud. En 2050, la température a augmenté de 2°C. Cela peut paraître peu mais ce sont surtout les vagues de chaleur qui sont plus fréquentes, plus fortes et plus longues. Il y a aussi plus de sécheresses, et même le Nord a eu des pénuries d’eau l’année dernière.
- HABITER UN QUARTIER AGREABLE
Le dernier cyclone a modifié l’aspect du quartier, beaucoup de voisins ont déménagés à cause des dégâts et certaines rues sont très vides. Certains voisins plantent dans les propriétés vacantes des herbes médicinales, ou y jouent aux dominos au clair de lune quand il n’y a plus d’électricité.
- SE NOURRIR
Les magasins sont en rupture de stock pour tous les produits importés : plus de pâtes, de riz ou de produits transformés. Désormais, on trouve seulement des produits locaux comme des légumes pays ou des fruits, et encore les prix ont flambé car le transport est devenu très onéreux. A Basse-Pointe la situation est plutôt favorable car il y a beaucoup de cultures locales et de jardins créoles, contrairement à Fort-de-France où les pénuries sont très rudes.
- CONSTRUIRE
En fonction des matériaux de construction que vous avez choisi, la technique de construction doit être adaptée. La main d’œuvre est devenue très chère à cause du manque d’entreprises de construction et de la rareté des outils électriques mais aussi à cause de la décroissance démographique et du vieillissement de la population.