Le syndrome du bâtiment malsain

En Martinique, il y a une dizaine d’années, des épisodes de malaises ont concerné un groupe scolaire du François et des entreprises situées dans la zone d’activité de la Jambette au Lamentin. Ils se sont traduits par des manifestations cliniques similaires, à savoir des irritations de la peau et des muqueuses. Ces évènements ont eu pour facteurs déclenchant une perception d’odeurs non liées à l’émanation d’une substance bien identifiée, mais qui étaient la conséquence de la proximité d’évacuation d’égouts sur des réseaux d’assainissement défectueux, sinon la résultante de mauvaises pratiques d’aération de bureaux climatisés. La particularité de ces évènements, qui n’ont pas présenté de gravité sur le plan sanitaire, a été une amplification rapide du phénomène de proche en proche à partir d’un premier ou de quelques cas, déclenchant des phénomènes de « contagion psychologique » tant dans les lieux concernés que dans leur voisinage. Ce qui a témoigné du caractère très anxiogène de ces situations et qui peut s’expliquer tant par la nature des évènements que par le déploiement des services de secours – parfois à plusieurs reprises – qui ont contribué à leur donner un caractère de gravité. Ces deux exemples sont caractéristiques de ce que l’on peut appeler le Syndrome des Bâtiments Malsains.

De quoi s’agit-il ?

L’expression « Syndrome des Bâtiments Malsains » (SBM) désigne une prévalence excessive de symptômes non spécifiques chez des personnes occupant le même bâtiment. Il peut concerner des immeubles conformes à toutes les normes existantes. Il n’existe cependant pas de définition normalisée de ce syndrome qui prend localement l’apparence d’épidémies, et qui comporte aussi une dimension socio-psychologique qui peut générer une anxiété qui en aggrave les effets.

Décrit dès les années 1970, il est souvent lié au caractère neuf des bâtiments. Il concernait au départ les établissements commerciaux et administratifs, puis s’est étendu aux locaux hospitaliers et scolaires, voire aux logements.

Les symptômes observés ont fait l’objet d’une proposition de classification en cinq catégories par Jacques Malchaire, Professeur en unité « Hygiène et physiologie du travail », à l’Université catholique de Louvain (Belgique).

 

Il s’agit de :

  •  Ceux qui affectent les muqueuses et les voies respiratoires supérieures (irritation, sécheresse des yeux, du nez, de la gorge, picotement des yeux,
  • larmoiements, congestions nasales, toux, éternuements, saignements du nez, voix enrouée ou modifiée) ;
  •  Ceux qui affectent le système respiratoire profond (oppression thoracique, respiration sifflante, asthme, essoufflements) ;
  • Ceux qui affectent la peau (sécheresse, démangeaisons, éruptions) ;
  • Ceux qui affectent le système nerveux central (fatigue, difficultés de concentration, somnolence, maux de tête, étourdissement, vertiges, nausées) ;
  • Symptômes de gêne extérieure (odeurs déplaisantes, modification du goût).

Ces symptômes, qui sont éventuellement variables d’une personne à l’autre, y compris au cours d’un même épisode épidémique, peuvent être déclenchés par un élément particulier comme une odeur (de gaz, de produit chimique ou d’œuf pourri par exemple) dont l’origine est indéterminée. C’est aussi le cas, s’il y a la perception d’une perturbation de l’environnement du fait de travaux engendrant du bruit, de la poussière, ou apportant des modifications sensibles et potentiellement perçues comme nuisibles. L’épidémie peut aussi être déclenchée par une personne, qui tombant malade, nécessite l’intervention des services de secours, ce qui parfois entraîne chez d’autres usagers du bâtiment des malaises.

Tant que l’origine des symptômes reste indéterminée, de nombreuses récidives peuvent avoir lieu et des cas de rechute peuvent se produire lors de retours sur les lieux où les symptômes ont commencé. D’autres éléments peuvent contribuer à l’épidémie en créant un environnement propice à leur développement, et se transformer en crise si elles sont mal-gérées.

Ce peut-être :
– Un environnement perçu comme dégradé ;
– Un contexte sociologique tendu ;
– La présence d’un stress physique ou psychique inhabituel.

Ces symptômes apparaissent durant la journée de travail et disparaissent spontanément après l’arrêt de travail, sinon ils s’améliorent pendant les jours d’absence.
Néanmoins, si les symptômes du SBM sont sans gravité, ils peuvent être inconfortables, voire handicapants, au point d’induire la fermeture d’un site entier. D’où la nécessité d’avoir une bonne analyse de la situation et une communication claire et nette de la part de l’organisme chargé de gérer la crise. Cela, d’autant plus qu’il est difficile de poser un diagnostic sur la base de symptômes non spécifiques et que la recherche de leur cause dans le bâtiment n’est pas toujours facile. C’est le caractère épidémique de ce syndrome qui pose problème en transformant celui-ci en crise. Les causes des épidémies et leur propagation restant souvent inexpliquées.

Historique

Entre les années 1960 et 1970, de nombreux lieux de travail se sont modernisés, notamment celui des bureaux avec l’installation de l’air conditionné, la mise en œuvre de nouveaux matériaux ainsi que l’utilisation de nouveaux matériels : photocopieuses, ordinateurs et imprimantes… alors que dans le même temps, leurs usagers ont commencé à se plaindre de plus en plus de maux bénins mais perturbants. Cette affection, qui touchait une proportion relativement importante de personnes au sein d’un même bâtiment, se traduisait par des symptômes ou des gênes sans qu’aucune cause ne soit identifiée. Ces évènements vont être nommés en 1983 « sick building syndrome » par un groupe d’experts de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), ce que l’on peut traduire par « syndrome du bâtiment malsain » ou SBM.

Certains facteurs ont été identifiés dans les années 80 comme augmentant le risque de SBM et liés au bâtiment lui-même, à la qualité de l’air intérieur, mais également aux individus. Aujourd’hui, il s’agit d’un problème fréquemment traité par la médecine du travail et selon un rapport de l’OMS, il concerne environ 30 % des bâtiments neufs ou rénovés dans le monde.

Quand un immeuble est-il concerné ?

Un immeuble est considéré comme touché par le SBM lorsqu’un pourcentage non négligeable des occupants (plus de 20 %) se plaint de symptômes anormaux. Le diagnostic du SBM ne peut être envisagé qu’après avoir éliminé les « maladies spécifiques liées au bâtiment », dont les causes et les facteurs sont bien connus. Il s’agit notamment de maladies infectieuses, immunologiques ou allergiques souvent liées à un défaut de conception ou de maintenance des systèmes de climatisation/ventilation avec contamination et développement de micro-organismes, moisissures, bactéries et parasites. On peut citer par exemple, des allergies aux acariens ou aux moisissures, la légionellose, etc.
Ces maladies se déclenchent assez rapidement (en quelques heures, voire en quelques minutes) et sont accompagnées de réactions immédiates et violentes, alors que les manifestations de SBM apparaissent progressivement à moyen et long terme, de façon moins démonstrative, sous forme de gênes et de plaintes répétées.
Le SBM doit aussi être différencié des « hystéries collectives » qui se déclenchent assez rapidement (en quelques heures, voire quelques minutes) et qui sont accompagnées de réactions affectives et violentes.
De nombreux rapports estiment que ce syndrome serait lié à la mauvaise qualité de l’air intérieur du fait de contaminants chimiques et biologiques, provenant de l’air urbain et/ou des matériaux du bâtiment lui-même, du mobilier, des produits d’entretien ou de produits apportés par les occupants eux-mêmes (parfums, poils d’animaux, etc.). Ses origines sont complexes et dépendent souvent de plusieurs facteurs.

On distingue ainsi :
– Les facteurs ambiants :
o Facteurs physiques : insuffisance d’apport d’air neuf, vitesse de l’air excessive, humidité relative insuffisante, empoussièrement ;
o Facteurs chimiques : composés organiques volatils (émanant des peintures, colles, moquettes, panneaux agglomérés, …), monoxyde de carbone, anhydride carbonique, oxydes d’azote, anhydride sulfureux, aldéhydes, tabagisme, bio-aérosols, … ;
o Odeurs émises par certains appareils ou des matériaux ;
o Bruits permanents ;
o Problèmes d’ergonomie au poste de travail…

– Les facteurs socio-organisationnels :
o Conditions de travail ;
o Statut professionnel et salarial ;
o Manque d’intérêt professionnel ;
o Manque d’autonomie ;
o Stress ;
o Difficultés relationnelles avec les collègues et/ou avec la hiérarchie…

Comment éviter le SBM ?

La qualité de vie est de plus en plus dépendante de la qualité de l’environnement intérieur alors que les gens passent de plus en plus de temps dans des atmosphères confinées au bureau, dans les entreprises, à leur domicile, dans des véhicules… Et, dans le même temps, quelques que soient les régions, pour des raisons de chauffage ou de climatisation, les bâtiments tendent à être de plus en plus étanches à l’air extérieur.

Des milliers de produits chimiques ont été disséminés dans l’environnement et les matériaux de constructions, largement diffusés sans études d’incidence environnementale ou sanitaire, induisent une augmentation régulière des allergies et des hypersensibilités à certains produits. A cet effet, il convient d’intégrer la notion de qualité environnementale dans la construction qui permet une meilleure prévention quant à la survenue du SBM.
L’utilisation de matériaux susceptibles de dégager des composés allergisants, irritants ou toxiques, parfois durant de longues périodes, est à proscrire, et il convient de prendre en compte le fait que plusieurs causes peuvent agir en synergie. Par exemple, de l’ozone ou des solvants dégagés par certains matériels électriques de bureau peuvent interagir avec d’autres gaz ou des particules. Des mesures de préventions, d’ordre technique ou organisationnel, sont à prévoir.

Elles consistent notamment à :

  • Améliorer la qualité de l’air ;
  • Améliorer la ventilation des locaux par des procédés naturels ou mécaniques, en permettant l’approvisionnement en air neuf et sain, en évacuant l’air vicié ;
  • Effectuer une maintenance régulière des systèmes de climatisation ;
  • Éviter les moquettes, les tapis et les rideaux, pour qu’il n’y ait pas d’accumulation de poussières et pour empêcher la prolifération des acariens ;
  • Soigner les infrastructures ;
  • Organiser le travail en prévoyant des procédures claires ;
  • Aménager de manière optimale les espaces et les postes de travail, en tenant compte de l’activité exercée, du type de mobilier, de l’ergonomie, de l’éclairage…

Enfin, l’éco-conception du bâtiment, du mobilier et des accessoires de travail – c’est-à-dire la prise en compte de l’environnement dans le processus de développement de produits et de services – participe aussi à la réduction de ce syndrome.

Images : source Internet

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