Numérique : Une pollution pas virtuelle

Avertissement

La crise sanitaire mondiale que nous vivons depuis quelques semaines et le confinement des populations qu’elle implique, a plusieurs conséquences qui à première vue semblent très bonnes pour la planète. Moins de voitures, d’avions, de trains et autres transports ! La faune et la flore respirent enfin ! Et nous aussi, nous respirons mieux ! Mais le confinement consenti ou forcé a des conséquences sur les connectés que nous sommes devenus dans la plupart des pays dits développés et en developpement : Nous passons encore plus de temps sur les réseaux sociaux, les messageries instantanés, les sites internet… bref sur les supports numériques. Car si nous sommes confinés, nous voulons tout savoir, nous voulons échanger, communiquer pour ne pas suffoquer…. Le numérique étant devenu notre « presque » dernière fenêtre ouverte vers l’extérieur. Et pourtant, le numérique si indispensable dans la vie moderne n’en est pas moins une source de pollution.

Le CAUE de la Martinique abordait cette thématique  dans le numéro 14 de sa revue « La Mouïna Martinique » en décembre 2016, comme un type de pollution à ne pas négliger. Quatre ans plus tard, force est de constater que cette thématique est plus que d’actualité. Nous partageons de nouveau cet article, non pour critiquer le progrès mais pour une utilisation juste et consciente des outils que la société moderne met à notre disposition. Bonne lecture !

 

En entrant dans le 21ème siècle, l’humanité est passée de gré ou de force à l’ère de la dématérialisation des données. Pourtant, il ne s’est écoulé qu’une soixantaine d’années entre la création de la première bande magnétique, la disquette, l’ordinateur portable, le CD-Rom, la mémoire flash, le scanner, le « cloud computing »… En dématérialisant les données jusque-là stockées sous forme de papier, on a pensé qu’il s’agissait d’un progrès en faveur de l’environnement. Depuis, on a mesuré les impacts environnementaux réels de ce « progrès ». L’informatique, Internet et le numérique sont nuisibles et le mal va grandissant, tant la demande pour ce type de technologies est grande.

De bonnes intentions qui tournent au désastre

Ralentir la déforestation grâce aux économies de papier, réduire les déplacements en utilisant les vidéoconférences et en favorisant le télétravail, stocker les données des entreprises sur des supports numériques afin de garantir leur sécurité et leur pérennité, permettre l’accès des informations depuis n’importe quel matériel connecté… Toutes ces technologies ont été créées et démocratisées – on le sait dans un but économique – mais également pour venir au secours d’une planète qui suffoquait. Sauf que, ce n’était qu’un excès d’optimisme et une ignorance non seulement des mécanismes réels engendrés par le tout numérique mais également de ses conséquences à moyen/long terme.

Certes, le numérique c’est du virtuel, du dématérialisé, mais c’est surtout une source de pollutions en constant développement. Pourquoi ? En autres, parce que l’on a vanté les bienfaits de la « société de l’information », parce que l’on a voulu réduire la fracture (fossé) numérique en démocratisant l’accès à Internet et aux technologies de l’information qui lui sont associées… Aujourd’hui, il faut rester connecté et même interconnecté ! Internet pour beaucoup favorise la diffusion du savoir, les échanges et le partage des connaissances. D’ailleurs en y regardant de plus près, les chiffres liés à Internet ont de quoi donner le vertige. Aujourd’hui (en 2016), 42% de la population mondiale est connectée à Internet via 2 milliards de mobiles et 1 milliard d’ordinateurs. La création de données numériques n’a jamais été aussi féconde et l’augmentation est exponentielle. Les mails échangés sont toujours aussi nombreux, même si la plupart d’entre eux sont des spams.


Statistiques d’usage d’Internet (2016)

  •  3,025 milliards d’internautes, soit 42% de la population
  • 2,060 milliards d’inscrits sur les réseaux sociaux, soit 68% des internautes
  • Taux de pénétration d’Internet dans le Monde :- 81% en Amérique du Nord (86% au Canada, 80% aux USA), 78% en Europe de l’Ouest (83% en France), 18% en Afrique, 12% en Asie du Sud.

Ces terminaux d’accès ne représentent pourtant que la partie émergée de l’iceberg utilisant Internet. Au bout de nos câbles branchés, et de nos réseaux WIFI, c’est 45 millions de serveurs tournant à plein temps et 800 millions d’équipements réseaux. En 2035, on devrait compter 9 milliards d’utilisateurs ; la quantité de matériel nécessaire serait colossale. Et les dégâts sur l’environnement irréversibles.

Des pollutions numériques

Sans entrer dans trop de détails, il faut savoir que les pollutions environnementales issues du numérique se situent dans toutes les étapes du cycle de vie des objets technologiques dont nous sommes devenus friands :

  •  La fabrication de ces objets nécessite l’extraction de matières premières utiles au fonctionnement des composants électroniques comme les terres rares sources de pollutions des eaux entre autres,
  • L’utilisation quasi permanente de ces matériels génère des dépenses d’énergie insoupçonnées, car il faut alimenter les lieux de stockage des serveurs et les produits terminaux (ordinateurs, tablettes, portables…), pour répondre à l’exigence de rapidité de service des consommateurs. C’est un cercle vicieux… Plus le débit augmente, plus les documents téléchargés sont nombreux et lourds. On échange pour un oui, pour un non, sans mesurer l’impact réel de nos octets. L’ADEME a calculé qu’imprimer un document de 200 pages impacte moins que le lire à l’écran !
  • La fin de vie quant à elle est inquiétante puisque ces objets devenus « indispensables » ont une durée limitée dans le temps, innovations permanentes et obsolescence programmée obligent ! De plus, si on en croit les chiffres annoncés : seuls 15 % des 42 milliards de kilos annuels de déchets électroniques sont collectés et recyclés par les filières officielles conscientes des impacts environnementaux (ces déchets contiennent du mercure, du cadmium, du chrome et d’autres substances très néfastes pour la santé et les écosystèmes).

Quels remèdes pour demain ?

Demain c’est déjà aujourd’hui ! Et le discours du zéro-impact sur l’environnement ne pouvant plus être tenu, les acteurs économiques et les autorités ont choisi de proposer pour remédier aux pollutions numériques, une série de « petits gestes ». Il est dorénavant acquis que les citoyens des pays industrialisés, sont pleinement responsables de la dégradation de notre environnement à l’échelle planétaire, autant sur le point du changement climatique, de la perte de biodiversité, des ressources (eau, sol, air) que de notre santé et notre cadre de vie. Aussi, chacun doit agir pour sauver la planète. On devient éco-citoyens, éco-consommateurs à la maison, au travail, en vacances, en faisant ses achats… Et beaucoup d’entreprises s’y mettent même les plus improbables. Greenwashing ou pas, c’est dans l’air du temps de penser durable et/ou écologie !

Ainsi, après nous avoir vendu les mérites du numérique, on invite aujourd’hui, à éviter de trop télécharger, à éteindre nos appareils, à supprimer nos e-mails inutiles, à lutter contre les spams (qui représentent 9 mails /10), à limiter les envois d’e-mails groupés, à envoyer des photos en basse résolution, à ne conserver que les e-mails nécessaires, à vider la corbeille, à imprimer en recto-verso et sans couleurs… Ces gestes sont appelés à devenir des habitudes. Cependant n’oublions pas que seulement 1/3 de la consommation électrique issue de l’utilisation du numérique provient des terminaux des clients (portables, ordinateurs, tablettes…). N’oublions pas non plus qu’en réalité, plus de la moitié des gaz à effet de serre générés provient de la fabrication des matériels et des serveurs fonctionnant 24/24 heures.

De la responsabilité des fabricants

Il convient aujourd’hui d’impliquer les fabricants de nos matériels numériques dans ce combat pour réduire l’empreinte écologique du numérique. Deux pistes intéressantes qui se rejoignent : la lutte contre l’obsolescence programmée et l’écoconception.

  • La lutte contre l’obsolescence programmée a été engagée à travers la loi sur la transition énergétique en juillet 2015, loi qui prévoit une peine de deux ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende pour les entreprises concernées. L’obsolescence qu’elle soit fonctionnelle (technique) et/ou psychologique (désir et modes) doit être combattue. Mais, pour que cette loi ait tout son poids, il faudrait définir la durée de vie minimum du produit… Or celle-ci n’est pas toujours définie.
  • L’écoconception est une approche qui prend en compte les impacts environnementaux dans la conception et le développement du produit et intègre les aspects environnementaux tout au long de son cycle de vie (de la matière première, à la fin de vie en passant par la fabrication, la logistique, la distribution et l’usage). Au moment où certaines ressources naturelles utiles à la fabrication et au maintien du numérique se raréfient, l’écoconception qui porte sur le long terme pourrait être la solution favorisant compétitivité et innovation.A suivre donc.

Images : source Internet

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