La cinquième façade est souvent négligée sous nos latitudes chaudes. C’est pourtant la façade qui est le plus en contact avec les rayonnements brûlants du soleil. En zone aride, ils sont massifs et plats pour offrir une protection conséquente face aux conditions extrêmes et créer un espace de plus le soir pour se rencontrer. Tandis que sous nos latitudes, le paradigme est différent.
Qu’est-ce que la cinquième façade ? Et quel est son rôle aux Antilles ?
La cinquième façade c’est le toit, ou la toiture, si vous préférez. La toiture est très importante et sa conception comme sa construction doivent être précises. En milieu tropical humide, il y a la présence de grands toits pour protéger efficacement des fortes pluies et évacuer l’eau rapidement, puis produire de l’ombre tout en facilitant la ventilation grâce au flux de l’air. Le toit est un élément essentiel de la conception en milieu tropical humide, il devra être réfléchissant, isolé et ventilé afin d’empêcher le stockage de chaleur. Les concepteurs privilégieront, donc, une toiture légère pour toutes les raisons évoquées ci-dessus. Néanmoins, d’autres concepteurs préfèreront une toiture lourde (dalle de béton) pour se protéger des cyclones. Le paradoxe avec la toiture aux Antilles, c’est le juste équilibre entre la toiture résistante aux vents cycloniques, et celle assez flexible pour les cyclones, les tremblements de terre mais ouverte pour permettre la ventilation.
La forme, la matérialité et la pente seront les trois paramètres essentiels. Toutefois la forme du toit renforce les différences de pression favorables à la ventilation naturelle, la toiture est génératrice d’architecture. Pour se parer aux effets cycloniques, les experts préconisent une toiture à quatre pans qui permet une forte réduction des charges à l’arrachement en comparaison avec un toit à deux pans. Plus la pente est forte, plus elle tend à diminuer les zones de décollement réduisant de la sorte les risques d’arrachement (30° à 45°).
Toutefois, une toiture aide à se protéger des charges thermiques induites par le soleil améliorant le confort global du bâtiment. Selon AQUAA (Actions pour une Qualité Urbaine et Architecturale Amazonienne) : “Les ouvrants doivent être répartis uniformément sur tout le périmètre de la toiture. La surface des ouvrants de ventilation doit être supérieure à 15 % de la surface de toiture pour être efficace.” Les transferts thermiques dépendent de l’intensité du balayage des vents, mais aussi de l’isolation et de la couleur. Plus la couleur du toit sera foncée, plus il faudra d’isolation (minimum 5 cm). Paradoxalement, les experts préconisent souvent d’incliner le toit vers la brise dominante. En effet, quand la pente est orientée vers le vent, la dépression de la façade sous le vent est plus forte permettant une ventilation naturelle plus importante. Tandis que les experts en matière d’ouragan expliquent qu’il est préférable de choisir une toiture à quatre pans qui sera moins efficace pour la ventilation naturelle. Il existe plusieurs types de toit qui offrent des qualités esthétiques, bioclimatiques et techniques différentes :
- Toit voûté ou en dôme : Ce type de toit offre plusieurs avantages, premièrement une partie du toit est toujours ombragée, excepté à midi.
- Toit à simple versant : Ce type de toit est courant en climat tropical, c’est simple à construire et le versant est toujours orienté vers le vent dominant ;
- Toit plat : Ce type toit plat est pratique dans les régions où les précipitations sont rares. Cependant, en zone urbaine tropicale, il peut être intéressant pour y faire pousser de la verdure. Néanmoins, la construction doit être rudement menée par des entreprises hautement qualifiées afin d’éviter toute fuite pendant toute la durée de la vie du bâtiment ;
- Toit à deux versants : Cette toiture est très présente aux Antilles, elle est simple en terme de dorme et facile à mettre en œuvre ;
- Toit à double lame : Le toit à double lame ventilée est très efficace en milieu tropical car la lame extérieure recouvre la lame intérieure et absorbe la chaleur solaire selon sa réflectivité. Ce type de toit est très utilisé. Il possède souvent des “écopes [qui] sont des dispositifs de prise d’air de grande dimension intégrées à la toiture. Elles améliorent le potentiel de ventilation naturelle de l’habitat, nécessaire en climat chaud. Essentielles aux volumes intérieurs entièrement traversant, elles s’avèrent idéales pour la ventilation des bâtiments peu poreux. Il existe des écopes d’admission et des écopes d’extraction.” Ces dernières sont généralement plus efficaces car elles permettent à l’espace intérieur d’être en dépression. Selon les travaux au CSTB (Centre scientifique et technique du Bâtiment), l’ouverture verticale d’une écope doit représenter 20 % de la surface verticale de la façade perpendiculaire au vent.
En définitive, la cinquième façade, en l’occurrence la toiture du bâtiment est une surface, un espace à ne pas négliger. Le toit possède une signification protectrice qui nous protège des aléas et du monde extérieur. La conception de la toiture est un acte qui couronnera l’architecture créée en termes d’esthétisme mais aussi de confort thermique. Comme le disait Manuel MENCE, architecte martiniquais, dans son article sur les toitures des pays tropicaux (à lire sur le site du CAUE Martinique), « c’est elle [la toiture] qui accueille les cellules photovoltaïques pour la production d’électricité et les panneaux solaires de chauffe-eau. C’est elle qui permet l’aération haute, car nous savons que l’air chaud monte. C’est elle qui originellement nous protège du soleil et des cyclones. C’est elle qui reçoit les éléments secondaires de superstructure (antennes et autres paraboles, machinerie d’ascenseurs). Pensez-y la prochaine fois que vous verrez une toiture, elle est d’une importance cruciale sous nos latitudes chaudes, humides et ventilées. Elle est le symbole de protection, de production, d’ombres, de matérialité, d’architecture.