Nous avons rencontré Claire JOSEPH, Présidente de l’association Centre de Culture Populaire Ypiranga de Pastinha (CCPYPM jardin partagé et capoeira angola), afin d’obtenir plus d’informations sur le jardin urbain expérimental de Trénelle-Citron à Fort-de-France, ce petit « bout de campagne » en pleine agglomération foyalaise qui s’est développé grâce à une équipe de jeunes très dynamiques.
CAUE : Comment définissez-vous un jardin partagé ?
CAUE : Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans les jardins partagés ?
C. J. : Depuis 2013, Téo, le chargé de mission de l’association travaille dans le quartier de Trénelle-Citron pour proposer des activités de Capoeira Angola et de jardinage. Notre objectif est de favoriser la cohésion sociale. Le jardin partagé est un outil pour arriver à ce but. Il y a deux ans, nous avons donc commencé le projet de jardin partagé à «l’ancienne carrière» pour embellir un espace urbain délaissé et dynamiser le quartier. Ce projet a débuté avec les jeunes du quartier. Le travail de la terre est particulièrement intéressant car il permet des sensibilisations au niveau environnemental et nutritionnel.
C. J. : Comme dans le jardin créole, notre espace regroupe des plantes médicinales, ornementales et potagères. Nous associons différentes espèces afin qu’elles se protègent mutuellement contre les maladies ou les nuisibles. Les techniques agricoles que nous utilisons sont inspirées de diverses pratiques. Certaines sont proches du jardin créole (ex : association de plantes) et d’autres viennent d’ailleurs (ex : paillage, lasagnes de culture, bacs hors-sol).
CAUE : Combien de jardins partagés avez-vous mis en place ou sur lesquels vous avez travaillé en Martinique ? Lesquels ?
C. J. : Le jardin partagé de Trénelle-Citron est actuellement le seul mis en place avec notre association. Par contre, le Mairie de Fort de France nous a donné comme mission d’être «tête de réseau» des jardins partagés, afin d’accompagner d’autres initiatives du territoire. Actuellement, nous participons à des réunions de préparation et à des journées «coup de main» pour le développement d’autres jardins à Fort de France (ex : jardin de Ste Thérèse, De Briand, Volga…).
C. J. : Le jardin de Trénelle-Citron est situé sur la place de l’ancienne carrière – quartier Grosse Roche. Sur le site, nous avons installé un bureau, un container de stockage du matériel et une terrasse couverte de 50 m2 pour l’accueil du public. L’espace cultivé est d’environ 1 000 m2. Il est constitué d’une vingtaine de parcelles, d’une dizaine de bacs hors-sol, d’une serre, d’un espace arboré et d’espaces pour les animaux (poules, cailles, lapins). Des arbres fruitiers ont été plantés pour l’avenir (corossolier, citronnier, goyavier, manguier, cacaoyer…).
CAUE : Le jardin partagé en ville, est-ce un peu de campagne dans la ville ?
C. J. : Le quartier de Trénelle-Citron est densément construit. Il n’y a pas de grands espaces de verdure, mais certains habitants embellissent les abords de leurs maisons avec différentes plantes. Notre jardin partagé offre un espace végétalisé agréable dans ce quartier densément peuplé. De plus, nous avons une production agricole, ce qui est peu courant à Fort de France.
CAUE : Y a-t-il en Martinique des jardins partagés en milieu rural ? Hors des villes ? Des exemples ?
C. J. : A ma connaissance, tous les jardins partagés existants sont en zone urbaine (ex : cité du Robert). Ils répondent au besoin de la population d’avoir un espace cultivable lorsqu’elle ne dispose pas de terres agricoles privées (ex : immeuble). En milieu rural, des terrains sont généralement privés et entretenus par les propriétaires. Cependant, la tradition du «coup de main» ou du «lasotè» sont dans le même esprit que les jardins partagés : entraide, solidarité et convivialité sont mis en valeur.
C. J. : Au niveau des espèces végétales, nous avons des plantes potagères (concombre, laitue, gombo, piments, aubergine, tomates, persil, fenouil, choux, bananes, roquette, épinards…) des plantes médicinales ( zèb mal tèt, basilic, mélisse, atoumo, curcuma, zèb à vers, doliprane…) et des plantes ornementales ( tapis Monseigneur, croton, épinard africain, œillets d’Inde…). Très souvent, les plantes ont plusieurs fonctions. Au niveau de la faune, nous observons des abeilles, des vers de terre (indispensables au bon fonctionnement de l’environnement), des escargots et limaces (nous obligeant à produire les salades et choux hors-sol), de multiples oiseaux et insectes. Nous avons également des «animaux de ferme» (poules, cailles, lapins) qui nous fournissent du fumier pour nos plantations.
CAUE : Par qui ces jardins sont-ils partagés ?
C. J. : Le jardin est partagé par toutes personnes souhaitant s’investir. Il est ouvert à tous, population du quartier ou extérieure.
C. J. : Dans le cadre du jardin, nous avons huit places de volontaires en service civique et trois employés. Actuellement, cinq jeunes du quartier travaillent au jardin. Cette expérience leur permet d’acquérir des compétences qui leur seront utiles pour leur avenir professionnel. Notre action permet donc de dynamiser l’emploi dans le quartier et donne une source de revenus aux jeunes.
CAUE : Par qui ces jardins sont-ils financés ? Fonctionnent-ils comme des “commerces de proximité” ?
C. J. : En majeure partie, le jardin partagé fonctionne grâce aux aides de l’État (ADEME, DAAF, CACEM…). La vente des produits du jardin permet d’acheter des plants et un peu de matériel. Rappelons que les activités proposées sont généralement gratuites.
CAUE : Qui bénéficie des produits des jardins partagés ? Par qui sont-ils consommés ?
Le jardin urbain expérimental de Trénelle-Citron de Fort-de-France n’a pas du tout été évident à mettre en place, car il a été aménagé sur le site d’une ancienne carrière. Il a donc fallu faire un apport en terre, faire un paillage respectant l’environnement sur près de 1000 m². L’association CCPYPM a ainsi réussi à transformer en deux ans un site très minéral sur lequel il y avait de nombreux détritus, en un lieu très végétalisé, et ce, dans une logique de biodiversité. Une volonté réelle d’être dans une démarche écologique peut être observée sur place : aménagements faits avec des matériaux de récupération, toilettes sèches, composteurs, utilisation de fertilisants naturels, récupération d’eau de pluie… L’équipe de ce jardin urbain est composée de personnes passionnées et fortement impliquées dans la transmission de savoirs et techniques agricoles et botaniques. Elle accueille des scolaires en proposant des ateliers pédagogiques adaptés en fonction des âges. Elle organise des événements et/ou se retrouve sur divers marchés pour vendre ses produits bios. De plus, cette équipe a monté ce projet dans lequel l’humain tient une place importante : esprit d’équipe, sens du partage, accueil de jeunes en difficulté, découvertes culturelles et sportives, dynamisation de quartier… Le CAUE Martinique a tenu à valoriser le travail et l’exploit de cette association très active qui à l’origine proposait des activités de capoeira.