CAUE Martinique

Un urbanisme adapté au climat tropical ?

L’urbanisme est un domaine fort important dans l’aménagement des territoires. Les principales capitales aux Antilles françaises ont été conçues, pensées et construites par rapport à un contexte donné à un moment précis. Les capitales foyalaise (Martinique) et pointoise (Guadeloupe) ont été créées à l’époque coloniale pour des raisons militaires et administratives. Ces villes portuaires ont été créées à la suite de la domination française.

Faute de trouver un site rocheux ou à tout le moins un site sur un sol sain (plaine bien drainée, plateforme littorale), les colonisateurs européens de l’Amérique tropicale ont été obligés de se contenter de sites marécageux très insalubres dont l’aménagement (drainage des sites) et l’urbanisation ordonnée, adaptée au climat et recherchant le confort par une bonne exposition au vent dominant (plan en grille, larges rues orientées au vent, maisons aérées) n’ont pas empêché certaines villes d’être de véritables tombeaux en raison de la virulence des complexes pathogènes (rôle de divers moustiques) : Colón à l’entrée du Canal de Panama, Tampico, Veracruz, Belize, Guayaquil, Pointe-à-Pitre, Fort-de-France dans sa plaine d’origine, Georgetown, Paramaribo.”[1]

Ces villes aujourd’hui possèdent leurs qualités et leurs défauts. Jean-Camille Petit, architecte martiniquais mentionne le lien fort entre architecture et urbanisme. Aussi bien que l’architecture tropicale, l’urbanisme doit être tropical sous nos latitudes.

Les îles colonisées par les Européens ont été conçues en fonction des mentalités constructives de l’époque. En effet “ les colonisateurs britanniques et néerlandais, de même que les Espagnols, les Portugais et les Belges ont été plus soucieux que les Français en matière d’urbanisme et d’aménagement rationnels des villes coloniales, encore que les exemples ne manquent pas du côté français. Du côté espagnol et portugais, il y a eu la recherche d’une certaine vie de la cité autour de la “piazza mayor” et dans les rues qui y convergent ; du côté britannique, néerlandais et belge, la recherche du confort et de la salubrité ; du côté français, plutôt celle du monumental et de la manifestation de prestige (mais il faut noter ici que ces deux dernières préoccupations ont été présentes chez toutes les autorités coloniales, du moins pour les villes importantes ou destinées à l’être).”[2]

Ces deux villes sont organisées sous la forme d’un plan hippodamien qui se caractérise par des rues qui se croisent en angle droit, permettant une organisation rationnelle de l’espace. Les deux capitales de ces îles sœurs ont été pensées en fonction de l’orientation des vents dominants.

 

 

 

 

 

 

 

Fig. 1 : Centre-ville de Pointe-à-Pitre (à gauche), Fort-de-France (à droite) (Source : Géoportail)

L’urbaniste et les experts prennent donc en compte un contexte historique mais aussi un contexte climatique, et l’histoire du lieu (les constructions déjà présentes, par exemple). Le contexte bâti influence grandement les conditions aérauliques du site. Par exemple, il existe différents types de profil de vitesse du vent ; la vitesse sera plus élevée en zone rurale qu’en zone urbaine où la densité est plus forte.

 

 

 

 

 

 

 

 

Fig. 2 : Profils de la vitesse du vent dans des contextes différents (Source : ENSAG de Grenoble)

Cette donnée influencera grandement les concepteurs dans la proportion des ouvertures et dans leurs dimensionnements structurels. Le vent est caractérisé par sa vitesse instantanée, par les variations de vitesse ou de turbulence. À l’échelle urbaine, il y a différents types d’effets physiques concernant le vent :

 

 

 

 

 

Fig. 3 : Effet de coin (Source : ENSAG)

 

 

 

 

 

 

Fig. 4 : Effet de sillage (Source : ENSAG)

Persistance de l’effet sur 4 x h aire exposée = h x 2e

 

 

 

 

 

Fig. 5 : Effet Venturi (Source : ENSAG)

 

 

 

 

Fig. 6 : Effet de trou sous immeuble (Source : ENSAG)

Pour éviter les surventes, on préconise d’orienter les immeubles sur pilotis sous une incidence parallèle au vent, ou encore de fournir le pied des immeubles de végétation, ou bien d’intégrer au niveau des volumes de liaison des éléments introduisant des pertes de charges, ou d’éviter les immeubles à pilotis de forme pleine et/ou de diviser les flux au pied des immeubles en augmentant la porosité du bâtiment.

 

 

 

 

 

Fig. 59 : Effet de barre (Source : ENSAG)

En définitive, il n’y aura pas d’architecture bioclimatique sans urbanisme bioclimatique, vu qu’un édifice s’inscrit dans un contexte. Si ce contexte n’est pas propice, les meilleures stratégies bioclimatiques ne suffiront pas à rendre le bâtiment confortable. La thermique urbaine dépend du vent, du soleil, de la pluie, de l’humidité du contexte et du positionnement. Ce qui est important, comme le dit Jean-Camille PETIT, dans une interview réalisée en 2019, « l’importance c’est de ne pas séparer l’architecture (extérieure et intérieure) et urbanisme même dans une ville. L’architecture ne doit pas être seulement une œuvre mais un service à l’épanouissement de l’homme tout comme l’urbanisme.

[1] GIACOTTINO Jean-Claude, La ville tropicale et ses problèmes d’environnement. In: Cahiers d’outre-mer. N° 125 – 32e année, janvier-mars 1979. p. 26

[2] ibid

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